30 juin-2 juil. 2025 Nantes (France)

Par auteur > Jaquet François

Le racisme est-il injuste par définition?
François Jaquet  1@  
1 : Université de Strasbourg - Faculté des sciences sociales
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

À de rares exceptions près, les philosophes de la race souscrivent à une conception moralisante du racisme. Cette conception est formulée de diverses manières : qualifier une conduite de raciste, c'est déjà la condamner (Singer, 1978 : 185-186 ; Philips, 1984 : 75-76 ; Miles, 1989 : 1 ; Garcia, 1999 : 7) ; le mot racisme a une force évaluative inéluctable (Singer, 1978 : 185-186) ; le concept de racisme est un concept moral (Garcia, 1999 : 18 ; Arthur, 2007 : 13 ; Urquidez, 2020 : 20) ; « racisme » est un terme de désapprobation morale (Glasgow, 2009 : 77-78). Mais l'idée est invariablement la même : le racisme n'est pas seulement injuste ; il est injuste par définition.

Appelons « normativisme » la thèse selon laquelle le racisme est injuste par définition et « descriptivisme » la thèse selon laquelle le concept de racisme est purement descriptif. Le normativisme présente toutes les caractéristiques d'un dogme. Il est souvent énoncé comme une vérité évidente, rarement étayé par des arguments et presque jamais défendu contre d'éventuelles objections. Je suis d'avis qu'il partage une autre caractéristique avec de nombreux dogmes : la fausseté. Ce sera la principale thèse de cette communication, qui sera divisée en trois parties.

Dans un premier temps, j'expliquerai plus en détail en quoi consiste le normativisme et le distinguerai de approches semblables. Le normativisme est la thèse selon laquelle la proposition *Le racisme est injuste* est vraie en vertu des seuls concepts qu'elle mobilise. Cette affirmation est à distinguer des trois suivantes : (i) la proposition Le racisme est injuste est vraie ; (ii) la proposition Le racisme est injuste est vraie nécessairement ; (iii) la proposition Le racisme est injuste est vraie nécessairement et a priori. Quoi que ses tenants s'appuient parfois sur (i), (ii) ou (iii) pour le justifier, le normativisme ne découle d'aucune de ces affirmations.

Je présenterai ensuite trois arguments qui sont ou pourraient être mobilisés en faveur du normativisme. Le premier repose sur l'idée que les racistes nient pour la plupart être racistes ; le second, sur l'idée que le terme « raciste » peut être utilisé pour condamner une personne ou une conduite ; le troisième, sur l'idée que l'injustice est la seule différence entre les formes justifiées et injustifiées (et donc racistes) de discrimination raciale. Ces trois arguments sont des enthymèmes. Une fois la prémisse manquante explicitée, il n'est pas difficile d'identifier leur faille.

Enfin, j'opposerai deux objections au normativisme. Premièrement, certains racistes conceptuellement compétents ne voient pas de problème à se revendiquer racistes, ce qui serait impossible si le racisme était par définition injuste. Deuxièmement, le racisme existerait même si la théorie de l'erreur morale était vraie, ce qui ne serait pas le cas si le racisme était par définition injuste.

Si j'ai raison, c'est une affirmation substantielle que le racisme est injuste. Je conclurai mon intervention sur une note au sujet de l'importance de la vérité du descriptivisme.

 

Références :

Arthur, John (2007). Race, Equality, and the Burden of History. Cambridge, MA: Cambridge University Press.

Garcia, J. L. (1999). Philosophical analysis and the moral concept of racism. Philosophy & social criticism, 25(5), 1-32.

Glasgow, Joshua (2009). Racism as disrespect. Ethics, 120(1), 64-93.

Miles, Robert (1989). Racism. London: Routledge.

Philips, Michael (1984). Racist acts and racist humor. Canadian Journal of Philosophy, 14(1), 75-96.

Singer, Peter (1978). Is racial discrimination arbitrary?. Philosophia, 8(2), 185-203.

Urquidez, A. G. (2020). (Re-)defining racism: A philosophical analysis. Palgrave Macmillan.



  • Poster
Chargement... Chargement...