Les termes comme « admirable », « amusant » ou « dégoûtant » renvoient à des valeurs affectives qui semblent devoir être comprises en termes d'émotions que nous aurions des raisons d'éprouver. En gros, la suggestion est qu'un objet est admirable si et seulement si et parce qu'il y a des raisons de l'admirer. Cependant, cette analyse en termes de raisons se heurte au problème des raisons non pertinentes (WKR problem). En effet, il semble qu'on ait une raison d'admirer un démon s'il menace de nous faire souffrir si nous ne l'admirons pas. Pourtant, cette menace ne contribue sûrement pas à rendre le démon admirable. La principale stratégie pour résoudre—et en fait dissoudre—ce problème a consisté à affirmer que les considérations pragmatiques comme les incitations ne sont pas vraiment des raisons de s'émouvoir. Pourquoi ? En raison d'une contrainte internaliste sur les raisons. En gros, pour qu'une considération soit une raison d'avoir une attitude, il faut pouvoir répondre à cette considération en ayant l'attitude en question. Dans le présent article, je montre tout d'abord que les différentes formulations de la contrainte internaliste échouent en ce qui concerne les raisons de s'émouvoir. Deuxièmement, je montre que pour des attitudes qui résultent de dispositions apprises comme c'est le cas des émotions, la contrainte internaliste sur les raisons, telle qu'elle a été formulée, est injustifiée. Compte tenu de ces faits, je propose de reformuler la contrainte internaliste. Mais cette reformulation implique, contrairement à ce que soutiennent ceux qui ont proposé ces analyses, que seules les considérations pragmatiques peuvent être des raisons de s'émouvoir. La façon dont il faut concevoir la réduction des valeurs en termes de raisons en est considérablement modifiée. Je montre pour finir qu'on obtient un résultat similaire si on s'intéresse plutôt à une analyse des valeurs affectives en termes d'émotions qui conviendraient.