30 juin-2 juil. 2025 Nantes (France)
Savoir à quoi l'on pense. Sur le caractère constitutif de la transparence des pensées
Gautier Anselin  1@  
1 : Institut de Philosophie de Grenoble
Université Grenoble Alpes

Comment un sujet sait-il d'une fois sur l'autre qu'il cherche à viser le même objet ? Cette question constitue le problème de la transparence des contenus mentaux, posé par Paul Boghossian (1994, 2011). Plusieurs notions et programmes de recherche influents en philosophie du langage et de l'esprit sont développés pour y répondre. Les notions d'autorité de la première personne et d'immunité aux erreurs d'identification sont souvent convoquées pour penser le phénomène. La théorie des fichiers mentaux (Recanati 2012, 2020) prend au sérieux ce problème et, dans certains développements, propose une théorie empirique de la transparence (Murez 2023). Je souhaiterais envisager une autre piste de résolution, ou plutôt de dissolution du problème. La transparence est un trait constitutif des pensées : il n'y a de sens à attribuer une pensée à un sujet que si elle lui est accessible ou transparente, c'est-à-dire en particulier qu'il est capable de la développer, la reformuler ou l'expliciter. Une pensée occurrente doit être considérée comme susceptible d'un développement dans un discours plus ample, qui puisse, par exemple, s'il s'agit d'une pensée singulière, restituer le contexte au sein duquel le sujet a pris connaissance des individus singuliers sur lesquels porte cette pensée (Descombes 2012). En ce sens, la transparence n'est pas une propriété empirique dont on découvrirait les mécanismes explicatifs, mais une condition de ce qu'on appelle « pensée » et de ses critères d'attribution : toute attribution de pensée est constitutivement corrélative de l'attribution d'une capacité d'explicitation, c'est-à-dire de production d'énoncés, exprimant les pensées, dont l'objet sera coordonné aux objets des précédents. Quant à la coordination des objets dans ces énoncés, elle capitalise sur une règle publique, comme celle gouvernant l'usage anaphorique des pronoms ou l'emploi itéré des noms propres (Gnassounou 2019). Cette option évite certaines difficultés des notions et programmes de recherche évoqués.

 

 

Références :

 

Boghossian, P. (1994). The Transparency of Mental Content. Philosophical Perspectives, 8, 33–50. doi: https://doi.org/10.2307/2214162

Boghossian, P. (2011). The transparency of mental content revisited. Philosophical Studies, 155(3), 457–465. doi:https://doi.org/10.1007/s11098-010-9611-3

Descombes, V. (2012). Agir hors de soi, penser hors de soi. Intellectica, 2012/1, 57, 81–100.

Gnassounou, B. (2019). Transparence, accointance et modes de présentation. Les Etudes philosophiques, 2019/3, 193.

Murez, M. (2023). The transparency of mental vehicles. Noûs, 1–28. doi:https://doi.org/10.1111/nous.12483

Recanati, F. (2012). Mental Files. Oxford: Oxford University Press.

Recanati, F. (2020). Coreference De Jure. In Goodman, R., Genone, J., & Kroll, N. (Eds.) Singular Thought & Mental Files (pp. 161–186), Oxford: Oxford University Press.


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