30 juin-2 juil. 2025 Nantes (France)
La perte de nos croyances morales affaiblit-t-elle notre motivation à faire des actions bonnes ?
Maxime Kristanek  1@  
1 : Aix-Marseille Université - Département d'Anthropologie
Aix-Marseille Université - Faculté des Arts, Lettres, Langues et Sciences Humaines, Institut d'Histoire de la Philosophie

Selon la théorie de l'erreur morale, nos croyances morales sont fausses. Aucune croyance portant sur un devoir moral, c'est-à-dire une raison catégorique et prépondérante d'agir, n'est vrai. Parce que les croyances pourraient avoir un lien avec la motivation et que celle-ci « joue un rôle causal dans la production de l'action » (Schroeder, Roskies, Nichols, 2010 : 73), la question suivante se pose : une personne qui perd ses croyances en des raisons morales est-elle moins motivée à faire des actions bonnes ? Une large partie des théoriciens de l'erreur (Joyce, 2001 ; Olson, 2014 ; Jaquet & Naar, 2018) répond positivement à cette question, mais sans mobiliser explicitement une théorie de la motivation pour justifier leur position (Schroeder, Roskies et Nichols, 2010 : 72)

Schroeder et al (2010) distinguent quatre théories de la motivation morale : les instrumentalistes soutiennent que les états mentaux spécifiquement motivationnels sont constitués de désirs, les cognitivistes de croyances, les sentimentalistes d'émotions, et les personnalistes des traits de caractère.

Je soutiens que si la théorie sentimentaliste est vraie, en l'absence de croyances en des raisons morales, notre motivation à faire des actions bonnes se trouve significativement diminuée. J'adopte une théorie de la cause cognitive (TCC) des émotions morales (Prinz, 2004 : 8), selon laquelle ces dernières sont causées par des croyances. J'applique cette théorie au cas de la culpabilité, une émotion centrale dans la vie des agents (Prinz & Nichols, 2010 : 132), reconnue pour motiver des actions bonnes (Prinz, 2007 : 18), comme le fait d'aider les gens. Si la TCC est vraie, alors, en de nombreuses occasions, notre culpabilité est causée par la croyance que nous avons mal agi, c'est-à-dire en agissant à l'encontre de nos raisons morales. Mon argument en faveur de la TCC de la culpabilité est que les croyances morales ont été sélectionnées par l'évolution parce qu'elles jouent un rôle dans le déclenchement de cette émotion. Si nous perdons nos croyances en des raisons morales d'agir, alors il semble plausible de considérer que la culpabilité ne pourra plus être « activée » dans un certain nombre d'occasions (Kristanek, 2023 : 663-84). S'il est avéré que la culpabilité nous motive à agir, alors l'effet psychologique attendu de la perte des croyances en des raisons morales d'agir est la diminution de la motivation à faire des actions bonnes.

 

Bibliographie :

Jaquet, F. & Naar, H. (2018), Qui peut sauver la morale ? Essai de métaéthique, Paris, Ithaque.

Joyce, R. (2001), The Myth of Morality, Cambridge, Cambridge University Press.

Kristanek, M. (2023), La Défaite de la Morale. La théorie métaéthique de l'erreur : concept, ontologie et pratique, Thèse de doctorat, Aix-Marseille Université.

Nichols, S. & Prinz, J. (2010), « Moral emotions », dans J. Doris (dir.), The Moral Psychology Handbook. Oxford University Press.

Prinz, J. (2004), Gut Reactions : A Perceptual Theory of the Emotions, Oxford University Press.

––– (2007), The Emotional Constuction of Morals, Oxford University Press.

Olson, J. (2014), Moral Error Theory : History, Critique, Defence, Oxford University Press.

Schroeder, T., Roskies, A., and Nichols, S., (2010), « Moral Motivation » dans J. Doris (dir.),The Moral Psychology Handbook, Oxford: Oxford University Press, 72–110.



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