30 juin-2 juil. 2025 Nantes (France)
Responsable mais pas louable
Patricia Sanchez Oliva  1@  
1 : Université de Neuchâtel

Responsable mais pas blâmable

La thèse de l'imputabilité stricte (Strict Answerability Thesis) soutient qu'une personne peut être moralement responsable d'un préjudice, et donc devoir y répondre, même si elle n'est pas blâmable[1]. Cela explique pourquoi des agents comme le chauffeur de camion de Williams – qui, sans faute de sa part, tue accidentellement un enfant – sont tenus de s'excuser, illustrant une responsabilité « faible » distincte de la blâmabilité[2].

Cependant, cette thèse crée une asymétrie problématique entre la responsabilité négative (mauvaise action) et positive (bonne action). Contrairement à la responsabilité négative, la responsabilité positive ne semble pas impliquer l'obligation de répondre : on n'a pas l'obligation de répondre de l'action d'avoir sauvé un enfant. La difficulté à l'heure de définir la responsabilité positive rend invraisemblable qu'elle puisse exister en étant distincte de la louabilité.

Trois solutions émergent : (1) accepter l'asymétrie en limitant la thèse de l'imputabilité stricte aux mauvaises actions[3] ; (2) rejeter la thèse pour sauvegarder la symétrie ; ou (3) conserver cette thèse tout en défendant une symétrie partielle, ce que je soutiens. Cela implique que l'on peut être responsable d'une bonne action sans être louable.

La responsabilité négative et positive se caractérisent par l'obligation de répondre de son action mais l'ambiguïté de « répondre » est clé. Dans la responsabilité négative, cela implique reconnaitre son imputabilité et exprimer son regret, mais cela n'implique pas expliciter ses excuses, c'est-è-dire, les considérations qui bloquent sa blâmabilité. Le chauffeur de camion pourrait se laisser blâmer injustement sans pour autant enfreindre une obligation morale. Le contraire est vrai pour la responsabilité positive. Un agent responsable d'une bonne action n'est pas obligé de reconnaitre son imputabilité, mais il a l'obligation morale de rendre explicites les facteurs qui bloquent sa louabilité. Cette approche maintient la thèse de l'imputabilité stricte tout en défendant une symétrie conceptuelle entre responsabilité positive et négative.


[1] Voir Kiener, M. (2024). Strict Moral Answerability. Ethics134(3), 360–386 et Duff, A. (2007). Answering for Crime: Responsibility and Liability in the Criminal Law. Hart.

[2] Williams, B. (1981). Moral Luck: Philosophical Papers 1973–1980. Cambridge University Press.

[3] Comme le fait Austin, J. (1957). A Plea for Excuses. Proceedings of the Aristotelian Society57, 1–30. 



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