30 juin-2 juil. 2025 Nantes (France)

Par auteur > Gombin Jonathan

Peter Geach : une philosophie à contre-courant
Jonathan Gombin  1@  , Anna C. Zielinska  2@  
1 : Sciences, Philosophie, Humanités
Université de Bordeaux, université Bordeaux Montaigne
2 : Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies
université de Strasbourg, Université de Lorraine, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7117, Centre National de la Recherche Scientifique

La pensée de Peter Geach se caractérise par l'absence d'hypocrisie, tant dans le style qui ne s'embarrasse jamais de fausses politesses, que dans les positions défendues, généralement peu consensuelles et à contre-courant des idées les plus répandues. Ce symposium interrogera la pertinence de la méthode et du contenu de l'approche de Geach dans trois domaines clés de sa pensée que sont l'éthique (où est engagé une critique interne du naturalisme néo-aristotélicien), la philosophie du langage (où le principe de contexte est rejeté) et la philosophie de l'esprit (où l'esprit n'est pas conçu comme chose pensante). La pensée de Geach, à cause, ou même malgré son originalité, aide-t-elle aujourd'hui à se défaire de ce qu'il méprisait le plus, à savoir l'antiréalisme paresseux ?

 

Interventions

Pierre Goldstein (U. Côte d'Azur & CRHI), « L'éthique est-elle concevable indépendamment de la référence à loi divine ? »

P. T. Geach contribue d'abord à l'éthique des vertus néo-aristotélicienne à travers son analyse de « bien » comme adjectif attributif. Il publie par ailleurs une série de conférences consacrées aux vertus dans lesquelles il affirme que « les hommes ont besoin des vertus comme les abeilles ont besoin d'un dard ». Mais sa position ne relève pourtant pas du « naturalisme néo-aristotélicien » à proprement parler. Alors que G. E. M. Anscombe envisageait une éthique centrée sur la notion de vertu inspirée des Anciens comme la seule manière possible d'échapper au « légalisme » inconsistant de la morale moderne, Geach revendique quant à lui un « légalisme » qu'il juge indépassable. L'éthique de P. T. Geach se présente ainsi, à certains égards, comme une critique interne du naturalisme « néo-aristotélicien » d'inspiration anscombienne. Mais dans quelle mesure ces critiques sont-elles décisives ? Les arguments de Geach contraignent-ils le néo-aristotélicien conséquent à abandonner la perspective de constituer, à travers la notion de vertu, une éthique indépendamment de la référence à la loi divine, ou bien faut-il considérer que le scepticisme dont Geach fait preuve repose essentiellement sur ses convictions religieuses plutôt que sur des arguments philosophiques recevables par tous ?

Bruno Langlet (U. Bordeaux-Montaigne), « L'ontologie de l'esprit selon Geach »

Dans son texte « What do we think with ? », Peter Geach tient la pensée pour une activité fondamentale qui ne peut pas faire l'objet du type de mesure temporelle dédiée aux processus physiques. Il en déduit la fausseté du matérialisme. Que l'on ne pense pas « avec » un élément matériel, voilà qui appellerait quelque immatérialisme, mais aucunement celui d'une res cogitans : s'agissant de caractériser l'esprit, considérer un ensemble diversifié de capacités mentales est pour Geach plus pertinent. Elles doivent toutefois être jaugées à l'aune de leurs traits d'actualité, et toutes n'ont pas les mêmes propriétés : si les actes mentaux sont des évènements occurrents trahissant des changements réels au sein de l'esprit, d'autres, comme les jugements, sont des unités « non-successives » et sont individués par les contenus des propositions qu'ils visent. Nous proposons de revenir sur l'unité de cette conception de l'esprit, afin de déterminer de quoi est faite, selon Geach, l'étoffe du mental. Cela, en recourant, lorsque c'est possible, à l'éclairage qu'offre Mental acts. L'influence du « second » Wittgenstein y est manifeste, mais sans que soient niés l'existence des actes mentaux et le caractère repérable de leurs propriétés. Geach y révèle nombre d'éléments de son ontologie de l'esprit ainsi que de celle qu'il attribue à Wittgenstein."

Jonathan Gombin (U. de Poitiers & SPH), « Peter Geach et le rejet du principe de contexte »

La figure de Frege est, de toute évidence, essentielle pour appréhender la pensée de Peter Geach. Outre que Geach ait été l'un de ceux ayant le plus œuvré pour que l'importance de Frege soit reconnue à sa juste valeur, ses propres positions s'inscrivent souvent dans la continuité des percées du logicien de Iéna. On s'étonnera donc que, dans Reference and Generality, Geach rejette explicitement le célèbre principe de contexte : « Si Frege et le jeune Wittgenstein ont raison, un nom ne tient lieu de quelque chose que dans le contexte d'une proposition [...] : mais je pense qu'ils avaient clairement tort ». Il s'agira ici d'éclairer les raisons de ce rejet, d'en saisir les articulations avec l'« argument de Frege-Geach » et d'en mesurer les conséquences sur l'interprétation que Geach donne du Tractatus de Wittgenstein.

 

Anna C. Zielinska (U. de Lorraine & AHP-PReST), « “L'argument de Frege-Geach” comme version de l' “argument Aristote-Wittgenstein” »

Une pensée, dit Peter Geach, « peut avoir le même contenu que son contenu soit asserté ou pas ; dans un discours, une proposition peut apparaitre tantôt assertée, tantôt non, tout en étant pourtant sensiblement la même » (Geach 1965, 449). Or, les émotivistes ou les expressivistes disent de façon surprenante que hors le contexte d'assertion, les énoncés moraux perdent leur sens. Ce à quoi Geach répond : les mots, qu'ils se réfèrent à la morale ou à autre chose, ont un sens, plus ou moins déterminé. Même dans la morale, ils ne se réduisent pas à des expressions des sentiments du moment. Cette présentation cherchera à donner un sens philosophique et anthropologique à l'argument dit de Frege-Geach, au-delà des thèmes qui apparaissent dans la littérature classique sur cette question. Une certaine stabilité du langage, moral ou autre, semble être de façon banale un prérequis dans la compréhension du monde partagé, dynamique et susceptible d'être en partie compris par ceux qui viennent des cultures différentes. 

 

 


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