Les modèles de décision en économie expérimentale sont accusés d'être faiblement généralisables à des environnements non-expérimentaux hors du laboratoire. Pour cette raison, certains auteurs considèrent que ces modèles expriment des lois ceteris paribus (CP). Une loi CP est un énoncé universel dont la validité est limitée par une clause CP. Ces énoncés font face à un dilemme entre fausseté et trivialité : si on ignore leur clause, ces énoncés sont faux, mais si l'on tente de rendre explicite leur clause, il semble inévitable de les transformer en tautologies telles que « la loi L est vraie sauf dans les circonstances CP où elle est fausse ». À partir de l'exemple du modèle de préférences sociales de Fehr et Schmidt, qui modélise les comportements altruistes, nous défendrons les thèses suivantes. 1) Ce modèle remplit la majorité des critères sémantiques (littéralité, non-analyticité, non-accidentalité) et épistémologiques (testabilité, pouvoir explicatif et prédictif, robustesse contrefactuelle) définissant une loi. 2) Les critères qui, par contraste, semblent violés par ce modèle (vérité et universalité) rendent légitime de considérer que celui-ci exprime une loi CP. 3) Ni l'analyse dispositionnelle ni l'analyse pragmatique des lois CP ne s'appliquent parfaitement au modèle de Fehr et Schmidt. En vertu de l'analyse dispositionnelle, ce modèle devrait prédiquer des dispositions comportementales qui sont toujours possédées par les agents sans nécessairement être manifestes. En économie expérimentale, au contraire, les limites d'un modèle résident dans le fait que les agents ne possèdent pas la disposition décrite par le modèle. Selon l'analyse pragmatique, les conditions de validité du modèle de Fehr et Schmidt seraient déterminées par le consensus scientifique ou des critères pratiques conventionnels. Toutefois, aucun de ces critères ne rend correctement compte de la façon dont les économistes considèrent les limites de validité du modèle de Fehr et Schmidt.